unbrindemaman © EM – Peter Pan où es-tu ?
Il était une fois un monde rempli de fées et d’êtres surnaturels. Leur ciel était peuplé de milliers d’étoiles apparentes le jour et plus brillantes qu’un disque de lune en pleine nuit. Au crépuscule, les pierres qui jonchaient le sol, se déplaçaient ensemble pour former des abris, pour les habitants de cette terre, respectueux et gentils. Ce monde était loin et bien caché. Il y régnait une harmonie que nul ne pouvait perturber. Mais c’était sans compter sur une brèche qui était en train de se former. Celle de la réalité.
Il était une fois, autrefois, ce temps où vous auriez pu être à l’origine de cette histoire fantastique. N’est-ce pas ? Vous êtes ici en face de votre écran d’ordinateur, vous avez peut être 25, 52, 34, ou 19 ans… Quel que soit votre âge, vous avez été enfant, vous avez rêvé, et vous avez, vous aussi, imaginé des mondes aussi étranges que surprenants. Et puis un jour vous avez mûri et Peter Pan est parti.
Nous sommes ancrés dans une réalité qui laisse peu de temps à la rêverie. Aujourd’hui nos rêves sont à base d’augmentation de salaire, de belle maison et de succès. Il est bien révolu le temps des fées. Mais à un moment de ma vie où je constate l’arrivée d’une nouvelle tête innocente et pensante, je me demande à quel point je vais devoir la guider vers ces univers imaginaires.
J’ai moi-même été bercée par des histoires d’ogres, de sorcières et de crapauds qui parlent (j’ai aussi connu des histoires plus terre à terre mais souvent bien moins captivantes à mes yeux) et je sais que je devrais assurément lui transmettre quelques clés pour lui permettre à son tour de profiter de ce temps court que la vie nous accorde.
J’ai été témoin hier même d’une scène de quatre à cinq jeunes enfants qui devaient avoir 9 ou 10 ans, dans la rue, Red Bull à la main. Il est indéniable que les nouvelles générations, tout va à vitesse grand V. Leur imagination est déjà établie, ils ont leurs préférences et certains veulent déjà jouer aux grands. Il doit probablement encore exister de jeunes pré-ados qui nourrissent encore leur imagination enfantine, mais ce n’est pas sur cette tranche d’âge que je souhaite m’attarder (elle mérite un article en soi).
Ce sont pour les enfants plus jeunes, de moins de 5 ans, que cette question m’interpelle. Au fil de mes recherches, j’ai découvert deux grandes tendances : les mamans qui privilégient les histoires à caractère anthropomorphique ou irréel et les mamans qui préfèrent présenter à leurs enfants des histoires totalement et seulement ancrées dans la réalité (tendance à la mode en ce moment).
Les histoires à caractère anthropomorphique se définissent comme telles lorsque les protagonistes de l’histoire sont des animaux ou des insectes qui évoluent à la manière des humains. Pour exemple, nous avons l’âne Trotro qui se lève sur ses deux pattes tel un vrai petit garçon ou encore les castors des histoires du père Castor.
Alors pourquoi y a-t-il des réfractaires à de tels procédés ? Il y a trois raisons majeures qui sont convoquées : avant 5 ans, l’enfant a besoin de repères pour pouvoir s’identifier. Avant 5 ans, l’enfant ne sait pas faire la part des choses entre imaginaire et réalité. Avant 5 ans, l’enfant en construction et en quête de savoir risque de passer du temps à partager ses connaissances entre imaginaire et réalité au lieu d’augmenter ses connaissances sur le seul monde réel qui l’attend.
J’ai pu lire que des enfants qui ne faisaient pas encore la part des choses, pouvaient avoir peur de certaines histoires contenant des ogres ou des êtres imaginaires. J’ai entendu des mamans expliquer à quel point il était difficile d’expliquer à leur enfant que ces histoires étaient irréelles. J’ai aussi entendu des mamans s’insurger du fait que ce genre d’histoire puissent apporter une certaine hostilité erronée vis-à-vis de certains animaux catalogués comme étant méchants (tels que les loups…).
Je me suis donc demandé à quel âge je pourrai introduire ces éléments pour nourrir davantage l’imagination de mon enfant.
J’ai remarqué que j’ai un avis beaucoup plus nuancé sur la question. Enfant, j’ai eu peur de deux personnages terrifiants : les pieuvres, qui me faisaient peur suite à un conte où une pieuvre cherchait à dévorer un homme. Aujourd’hui, je n’ai plus peur des pieuvres, je pense que je serai simplement impressionnée par ses nombreuses tentacules.
Il y a aussi les clowns, pour une raison que j’ignore. La différence est que je pense avoir encore aujourd’hui une crainte envers les clowns. Un mal-être s’installe lorsque j’en aperçois un. Pourtant, dans ce second exemple, le clown est bien humain, et de ce fait il est en capacité de me perturber jusqu’à aujourd’hui, tandis que la pieuvre imaginaire, qui parle, ne le peut pas.
Prenons un autre exemple : dans La couleur des émotions, le monstre change de couleur en fonction de ses émotions. L’enfant pourra aisément comprendre que c’est une manière imagée d’exprimer à son tour ce qu’il ressent en retrouvant au fond de lui la couleur du moment. Exprimer une émotion est un concept difficile. La couleur du monstre devient un outil.
Dans le livre Grosse colère, la colère est personnifiée. La colère est un monstre qui ravage tout sur son passage. L’enfant doit comprendre qu’il peut canaliser cette colère. Je trouve cette image tout aussi intéressante.
Je pense donc que pouvoir proposer des histoires par le biais de montres fantastiques, ou d’animaux qui prennent vie, peut permettre de transmettre un message à son enfant, sans pour autant limiter ses schémas de penser. Au contraire, dans les histoires bien pensées, ces monstres ont un sens.
Pour ce qui est des contes à caractère anthropomorphique, nous avons l’exemple du petit chaperon rouge qui rencontre ce loup qui la suivra et ira se faire passer pour sa grand-mère pour mieux la dévorer. Cette histoire est très violente, mais elle est porteuse d’un message qu’il est bon de transmettre à un enfant : ne pas faire confiance à un inconnu qui pourrait se révéler être une personne de mauvaise intention, un criminel, un violeur… Présentée ainsi, l’enfant n’aura pas peur d’un visage d’homme ou de femme en particulier, il sera tout simplement plus prudent, et une fois devenu adulte, toutes ces images s’envoleront pour laisser place à de vrais faits divers qui donnent froid dans le dos et qui le rappelleront à l’ordre.
Les enfants de moins de 5 ans ne sont pas moins exposés aux dangers de la vie réelle que nous autres, adultes. Au lieu de les projeter directement dans cette réalité violente qui les attend, il me semble que les alerter par l’intermédiaire de contes imagés, employant des animaux qui parlent et des monstres magiques, est un bon moyen de leur laisser cette part d’innocence et de rêverie.
Vous l’aurez compris, au regard de ma propre expérience et au vu des différents contes qui m’entourent, je pense pouvoir dire que je ne suis pas spécialement contre de telles histoires.
EM.
Et vous ? Plutôt pour les histoires fantastiques, à caractère anthropomorphique avant 5 ans ? Complètement contre ? N’hésitez pas à me donner votre point de vue dans les commentaires.


Je partage totalement ton point de vue. Encore une fois article tres bien ecrit.
Bonjour Lucy, merci beaucoup 🙂
EM.
Tout à fait d’accord
Merci pour ton commentaire petite étoile 🙂
EM.
Très bel article comme d’habitude 🙂
Je dois t’avouer que je ne me suis vraiment pas posé la question ! Miss K va avoir 6 ans et depuis toute petite (comme pour sa soeur), on lui racontait une histoire chaque soir à base de petit ours brun et t’choupi dans les premiers temps et depuis un peu plus d’un an de livres qu’elles choisissent elles-même à la médiathèque.
Je suis pour cette part de magie, qu’elles gardent encore leur innocence et qu’elles ne grandissent pas trop vite !
J’ai été choquée en voyant sur FB la vidéo d’une gamine de 12 ans qui se maquillait et s’exhibait (je ne vois pas d’autres termes) en string, petit haut et pantalon moulant…
Bonjour Suzanne,
Je pense avoir vu passer cette vidéo que je n’ai pas eu la patience de regarder jusqu’au bout, tellement la situation était gênante…
Oui il y a une nouvelle tendance qui est doucement en train d’émerger, donc je me suis posé plusieurs questions parce que certains arguments tiennent la route.
Mais je pense que c’est à nuancer et que tant que l’enfant est accompagné il ne faut pas trop s’inquiéter. Merci beaucoup pour ton retour !
EM.
Pour toutes les histoires, anthropo ou pas ! je suis convaincue des énormes bénéfices des histoires qui permettent d’expérimenter les sentiments dans le cadre rassurant, accompagné au début puis en autonomie ensuite. développer l’imaginaire et se confronter à la réalité à la fois, et faisons leur confiance pour faire la différence ou pour saupoudrer le quotidien de magie (ce qui nous fait du bien, à nous adultes, au passage). merci pour cet article !
Bonjour maman nuage,
Merci pour cet avis tout aussi nuancé que le miens. Tant que l’enfant est accompagné il ne faut pas trop s’inquiéter.
Heureuse de lire votre premier commentaire ici !
Au plaisir,
EM.
Au travail (je suis prof en collège), je côtoie des ados qui, au fil des années, sont de plus en plus précocement désillusionnés, blasés. Ils n’ont plus aucune imagination, aucune ambition, aucun optimisme. Ca fait mal au coeur. Alors je partage ton avis. Cette rêverie que portent les contes est nécessaire au bon développement des enfants, cela leur permet de conserver une durée raisonnable leur innocence, d’entretenir leur imaginaire, ils auront bien le temps plus tard de se reconnecter avec la dure réalité! Laissons à nos enfants le temps d’être enfants, justement. Je pense que tous ceux qui ont eu le droit à leurs contes enfants ont su, un jour ou l’autre, prendre conscience de leur caractère irréel et appréhender avec justesse la réalité. Je trouve que l’absence de ces histoires causent plus de préjudices aux enfants que leur présence. Enfin, ce n’est que mon avis.
Bonjour,
Merci beaucoup pour ce retour empreint d’expérience.
Au plaisir,
EM.
C’est rigolo, finalement tu soulèves une question que je ne m’étais jamais posée. Quel genre d’histoire est ce que je leur raconte ?
A vrai dire, je ne suis pas sûre d’avoir un avis tranché sur la question. Je leur lis les histoires qui semblent les intéresser, quel que soit le sujet, j’ai deux petits de 5 et bientôt 3, je souhaite juste passer un bon moment avec eux, voir leur yeux briller quand je raconte à grands renforts d’intonations et de gestes. Il est vrai que dans la plupart de mes histoires, ce sont des animaux (pat patrouille, Mickey…) Mais une chose est sûre en ce qui me concerne, et pas forcément pour les histoires : Je tiens à ce qu’ils restent des enfants le plus longtemps possible, qu’ils restent ébahis d’un rien, naïfs et tellement sincères dans leurs réactions
Bonsoir,
Je suis tombée sur cette « nouvelle tendance » que je connaissais pas auparavant notamment via des vidéos Youtube pour commencer. Et en poursuivant mes lectures, beaucoup de questions ont émergé, d’où cet article…
Merci pour ton commentaire. Nous avons le même regard sur la question.
EM.
Cc EM,
Je me rappelle de la polémique sur le Père Noël : c’est leur raconter un gros mensonge, ils n’auront plus confiance en toi, ils t’en voudront toute leur vie, etc sur le même ton de reproche…
Et bien, « l’histoire du Père Noël » a fait partie de leur enfance, ils ont joué le jeu pour les plus petits au fur et à mesure qu’ils ont grandi et compris que c’était une histoire, j’en ai même un qui a « continuer faire semblant d’y croire » encore 1 an, juste parce qu’il voulait garder la magie de cette période…
Le truc, à mon avis, c’est de laisser la magie des mots faire son chemin, de les guider pour qu’ils fassent la différence entre « histoires » et réalité, répondre sans détour à leurs questions mais sans aller au delà de leur demande… L’écoute et l’accompagnement, c’est la clé de toute chose surtout pour les mamans…
Et quand, pour faire les malins comme les copains à l’école : « Tu m’as menti, le Père Noël, il existe pas ! » J’ai répondu : « Ais-je jamais dit qu’il existait ? Je t’ai toujours dit que j’allais te raconter l’HISTOIRE de Père Noël… » De plus, je leur ai toujours dit qu’il fallait mettre de l’argent pour que le Père Noël puisse déposer leur cadeau, dès qu’ils ont voulu faire des commandes un peu trop onéreuses…
Il faut garder une part de rêve, tout en instillant certaines vérités ou précisions dans l’histoire, et selon l’âge de l’enfant… c’est à mon avis ce qui permet de garder un bon équilibre entre rêve et réalité, voir savoir différencier rêve et réalité. C’est ce qui construit notre personnalité non ?
Voir des enfants avec des comportements adultes est effrayant, à mon sens, les voir rester naïfs trop longtemps est dangereux… Encore une fois, tout est question d’équilibre, de maturité, d’envie, de personnalité : chaque enfant est différent, réagit différemment, même dans une même fratrie et avec la même éducation… Une fois encore, il faut être à l’écoute de chacun d’eux…
Les histoires, avec les animaux qui parlent, ont fait leurs preuves depuis l’antiquité, alors, ne les boudons pas… C’est mon avis 😉 (La Fontaine s’est inspiré des moeurs des gens de son époque, mais aussi et surtout d’Esope !!!!)
Voilà pour ma petite contribution à ton excellent article 🙂
Bonjour Paty,
Quel plaisir de lire tes commentaires ! Je les attends toujours avec impatience pour pouvoir profiter de ton point de vu. Je trouve ton exemple très parlant. Un grand merci pour ton commentaire.
EM.
Je serais du même avis que Paty et une mummy, laissons les imaginer. Je te dirais que les miens sont grands et je ne me suis jamais poser la question. Est ce que nous sommes dans un monde qui se pose trop de questions et qui au final comme le décrit si bien une mummy perd ses illusions et surtout l’espoir….
Bonjour Jeanne,
Oui le monde dans lequel nous vivons se pose beaucoup de question et il remet beaucoup de chose en question. Presque tout d’ailleurs, jusqu’au genre…(cf l’article « j’avance à contre courant »)
EM.
J’ai bien aimé cet article. Merci!
Je sais que en péda. Montessori on évite les animaux personnifiés, mais honnêtement, autant j’ai fait attention à ce que mon enfant ait beaucoup de ressources « ressemblantes » (enfants) autant parfois, ce sont des animaux. Et j’ai bien l’impression que à 3 ans il savait déjà que les animaux ne parlaient pas, que c’était un conte. Ca permet de faire voir des choses autrement.
Je réagis particulièrement sur « grosse colère ». Ce livre m’a toujours dérangé. Justement parce que la colère y est représentée comme quelque chose à faire sortir, qui fini d’ailleurs dans une boite. Comme si elle ne faisait pas partie du petit garçon. Et ça me gène fondamentalement.
Ok, ok c’est ma profession qui me fait voir ça comme ça mais du coup moi ça me dérange sur ce point. Je ne sais pas si on personnifierait ainsi la peur ou la joie qui tout tout autant des émotions (cad: truc imaginaire qui sortirait du corps de l’enfant pour qu’on l’isole dans une boite).
Bonjour Anne,
J’avais bien pris connaissance du fait que la pédagogie Montessori cherchait notamment à écarter ce type de représentation. Merci pour ce regards sur le livre « Grosse colère ». Pour moi la colère doit bien être extériorisé car elle est dévastatrice. L’idée que c’est quelque chose à faire sortir ne me dérange donc pas. Je peux néanmoins comprendre que le fait qu’elle finisse dans une boite soit dérangeant. Mais en y pensant je crois que c’est seulement une image pour faire comprendre à l’enfant à quel point la colère peux être violente. Quand elle dépasse un certain degrés, l’enfant n’est « plus lui-même ». (Cf l’article dédié dans la catégorie lecture, où l’on voit bien qu’il est observateur de la situation). Est ce que le fait qu’elle termine dans une boite n’est pas une belle image pour exprimer l’idée que la colère ne disparait pas mais qu’elle peut être simplement canalisé par l’enfant ? Nous regardons la question avec des angles différents.
Merci beaucoup pour ce regards quoi qu’il en soit. Les avis différents sont souvent les plus intéressants 🙂
Au plaisir de vous lire de nouveau par ici,
EM.