Mamange, papange, parange… pour qui sont ces mots ?

unbrindemaman © EM – Mamange, papange, paranges… pour qui sont ces mots ?

C’est la fête ici, je peux enfin reprendre le clavier avec grand plaisir, non pas pour vous parler allaitement, comme initialement prévu (l’article est toujours en cours d’écriture), mais j’avais envie de laisser une trace de ma réflexion ici sur un sujet d’actualité qui me concerne directement et sûrement certaines d’entre vous.

Vous n’êtes pas sans savoir que le sujet du deuil périnatal est particulièrement mal intégré à notre/nos sociétés. Je connais peu voire pas de culture qui parle du deuil d’un enfant sans difficulté. La majeure partie du temps, c’est complètement tabou, laissant ainsi les familles et la femme ayant directement et viscéralement vécu la perte de son bébé seules dans leur peine. Dans certains cas de figure, le sujet est tabou à l’intérieur même du couple, ce qui peut être absolument dramatique pour l’équilibre familial au-delà de l’équilibre psychologique des principaux intéressés. Dans certains cas plus rares, la maman en question préfère au contraire ne pas en parler. Je connais des personnes qui ont fait ce choix et qui arrivent à maintenir un équilibre émotionnel qui leur est propre, et je respecte pleinement ce choix. Mais comment aider la grande majorité des femmes qui ont besoin d’être entendues, écoutées et prises en compte ? Comment les  aider à extérioriser ce traumatisme qu’elles ont vécu alors même que la société entière les contraint de tout garder pour elles ? Ce tabou est d’autant plus vrai qu’aucun mot officiellement reconnu n’existe à ce jour pour désigner les parents qui ont perdu un bébé.

Si vous me suivez depuis le début de mon aventure blogging, vous savez que j’ai mis un moment avant de vous parler de la perte de mon fils. J’avais lancé le blog après mon premier accouchement parce que j’avais besoin de parler, parler, parler, extérioriser et partager ma matrescence. Je savais depuis le départ que je ne voulais pas faire de mon blog un espace de complainte et de tristesse généralisée autour du sujet sensible et tabou que j’avais du deuil d’un enfant (d’autant que j’étais habitée par la joie et la tristesse à la fois). Je me suis autocensurée à un point où je n’en ai tout bonnement pas parlé du tout. C’est fou quand on sait pourtant à quel point cette expérience de vie fait partie intégrante de mon identité de maman.

Parfois, je fais une rétrospective sur ces premiers mois de blogging qui m’ont fait énormément de bien et où je ne l’avais pourtant pas mentionné. Je me raccrochais à mon expérience en cours de maman grâce à la présence bien vivante de ma fille pour produire du contenu « un brin de mamanesque » et je laissais quelques indices ici et là pour mentionner le fait qu’il y avait quelque chose d’autre à comprendre dans mon parcours, sans trop en parler. Puis au fil du temps, en plus du blog, j’ai investi les réseaux sociaux que je ne connaissais pas avant cela. Et j’ai découvert, par hasard, toute une communauté de femmes qui parlaient de leur deuil périnatal sans tabou. Avec sincérité, avec simplicité, avec autant d’ombre de que de lumière nécessaire à accueillir ce sujet émouvant, avec une facilité qui a débloqué quelque chose dans ma vision des choses, car même si dans mon couple, nous n’avons jamais eu de tabou à ce sujet, je sentais bien que dans la vie, il y avait, à l’extérieur de notre chez nous, une gêne ambiante à chaque fois que nous en parlions directement. Je me suis dit : « Les gens ne sont pas prêts. Ils sont bloqués dans ce tabou, mais sur les réseaux, il y a quelque chose de nouveau qui est beaucoup plus libre, décomplexé. Et ça, ça me fait du bien. »

J’ai embrassé cette communauté qui m’a accueillie les bras ouverts avec beaucoup de douceur et de tendresse et j’ai adopté tous les mots qui avaient été portés avant moi par ces combattants de la vie et j’ai compris à cet instant l’intérêt de parler à mon tour du deuil que j’avais vécu pour aider les mentalités à s’ouvrir sur la question. Je sais que le deuil n’est pas le sujet le plus heureux qui soit, bien sûr que non. Mais la mort fait partie de la vie et le fait d’en parler adoucit la chose, surtout lorsque l’on se met à comprendre à quel point on n’est pas seul à la vivre. J’ai découvert des termes que je n’avais jamais entendus auparavant : mamange, papange, paranges… J’ai tout de suite accroché avec ces appellations qui avaient et qui ont toujours un avantage incontestable qui est que dans « mamange », vous retrouvez le « maman » au complet, ce qui est aussi vrai à l’écrit pour « papange – papa » et à l’oral pour « paranges » avec « parents ».

A l’heure d’aujourd’hui, je n’ai aucun mal à dire que je suis maman de trois enfants. C’est un fait avéré, j’ai porté trois bébés dans mon ventre et même dans mes bras, ils ont existé de façon certaine. Je suis maman de trois enfants, oui, mais il y en a un qui n’est pas en présence. J’ai mes deux anges ici qui me sourient tous les jours et puis j’ai aussi un fils pour qui le cœur a cessé de battre. Ce n’est pas un ange dans le sens religieux du terme, mais ça le restera dans le sens figuré du terme, à savoir « une personne parfaite », une personne parfaite à mes yeux, au même titre que mes deux autres filles, à la différence encore qu’il restera nourrisson pour toujours. Et y a-t-il ici sur cette terre plus pur qu’un nourrisson ?

Et si je ne retiens pas le terme « ange » de « mamange » dans l’optique de comparer mon fils à un ange, ni physiquement (ce qui serait complètement grossier et absurde), ni moralement, ce sera toujours pour faire référence au fait que je le garde auprès de moi dans mon cœur et dans mon esprit pour toujours, mon petit ange gardien, qui me remet les pieds sur terre lorsque j’oublie que la mort n’est pas loin et qu’il faut vivre l’instant présent avec sagesse et plénitude.

Ce terme, mamange,  je ne l’ai pas inventé, il est venu à moi par le biais des réseaux sociaux, il m’a aidé à trouver d’autres personnes concernées par ce drame de vie. Il m’a aidé à me redéfinir en tant que maman ayant vécu un deuil. C’est un terme qui existe depuis de nombreuses années, qui ne s’est pas érigé par force à l’aide d’une poignée d’extrémistes. Non, c’est un mot qui s’est forgé avec le temps, qui a pris sa place en douceur et qui a fini par être reconnu à force d’usage. C’est un mot clair, simple, limpide, dépourvu de toute religiosité à mon sens pour celui qui sait faire la part des choses (il suffit d’aller lire les différents sens du mot ange dans le dictionnaire). Ce n’est pas un acronyme pour une fois. Et surtout, c’est un mot qui contient en son sein le mot-clé que toute femme ayant porté un enfant voudrait conserver pour titre indélébile : maman.

Pourquoi ce billet aujourd’hui ? Parce que le sujet est plus que jamais d’actualité.

Cela fait des années et des années que Nadia Bergougnoux, notamment auteur du livre Le ventre vide, se bat pour briser le tabou qui entoure le deuil périnatal au travers de groupes de paroles et d’une pétition sous forme de lettre ouverte adressée au service dictionnaire de l’académie française pour les pousser à faire valider officiellement ces mots qu’elle n’a pas inventées mais qui se sont hissés d’eux-mêmes au fil du temps, à force d’usage, par nous, les parents endeuillés. C’est une approche à visée symbolique puisque ces mots sont d’ores et déjà employés chaque jour. Mais comme je le disais plus haut : avoir les outils pour nous qualifier, c’est déjà permettre de briser le tabou. (Je ne connaissais pas ces mots avant d’entrer dans ce monde du deuil périnatal.) Rendre le sujet grand public a un réel intérêt, vous ne serez donc pas surprises d’apprendre que j’ai signé la pétition de Mme Bergougnoux que vous pouvez retrouver ici. Elle compte aujourd’hui plus de 61 500 signatures.

Très récemment, une proposition de résolution ayant pour but de faire reconnaître le terme « paranges » pour les parents ayant vécu un deuil périnatal a été déposée par la député Mathilde Panot le 11 février dernier à l’assemblée nationale. Cet acte inédit est plein de sens parce qu’il s’agit déjà d’un pas très important pour permettre de lever le tabou sur le deuil périnatal.

Depuis quelques semaines encore, il y a une nouvelle vague qui a fait son apparition, avec l’apparition d’une nouvelle pétition pour demander à ce que les termes parange, mamange et papange ne soient pas les termes administratifs officiels car trop connotés religieux et doux en regard de l’expérience atroce qu’est le fait de perdre un enfant. Je reviens de cette pétition que je viens enfin de lire en entier, avec les larmes aux yeux. C’est une pétition difficile à lire, qui a fait remonter chez moi beaucoup de souvenirs douloureux. Elle est très difficile à signer pour moi, pour qui les termes mamange & co. conviennent parfaitement. Au contraire, j’ai besoin de la douceur de ces termes et de la poésie qu’ils transportent en eux pour me (re)construire.

Je suis les femmes qui sont à l’origine de cette pétition sur Instagram et j’entends d’autant mieux (car j’ai plus que cette seule pétition pour comprendre leurs arguments) le cheminement qui les amène à penser que d’autres termes seraient plus « neutres » pour définir une catégorie de personnes qui n’a encore aucun mot officiel à sa disposition pour se définir. Nombre de mes amies ont relayé l’information et, les filles, si vous me lisez aujourd’hui, je dois vous dire que mon billet d’aujourd’hui n’est pas à votre encontre. Il n’est que le reflet de mon point de vue personnel sur la question et je voulais avoir la liberté de m’exprimer sur ce sujet qui me touche directement aussi, sur mon blog.

J’ai du mal à saisir « la demande de concertation avec les principaux intéressés » alors que nous utilisons, nous toutes, ce terme sur les réseaux sociaux (et dans mon quotidien pour sensibiliser, pour ma part) tous les jours. C’est l’emploi des mots qui leur donne leur place, et c’est là que nous sommes pleinement déjà acteurs, vous et moi. Comme me le rappelait si bien mon époux : nous sommes, de fait, consultés, puisque nous employons ces mots.

Le coup de projecteur est sur nous, et je trouve étonnant de demander à des personnes extérieures (poke mon article intitulé « Le monde est rempli de spécialistes ») d’inventer un mot de toute pièce, mais en consultation avec nous, sans prendre en compte l’emploi que nous faisons déjà des mots que nous avons nous-mêmes adoptés. C’est un non-sens.

Je trouve aussi très risqué l’idée de faire table rase (pour l’appellation officielle) et de dire que la concertation se fera entre quatre murs avec trois quatre personnes triées sur le volet. Qui décide de quoi ? Je ne voudrais surtout pas me retrouver avec un acronyme froid et dépourvu de sens. Je suis dure, je le sais mais c’est réel. Je ne suis pas prête à prendre ce risque même si je ne suis pas contre l’idée de trouver des synonymes, mais je crois qu’il ne faut pas tout mélanger.

Lorsque j’entends Julie ou Marie remettre en question la laïcité du terme, je suis troublée. Évidemment que nous n’avons pas enfanté d’anges avec des ailes et une lumière aveuglante, évidemment que nos enfants ne se sont pas envolés dans les nuages au sens propre. Mais le terme « ange » peut vouloir dire tellement plus que ça. Je l’emploie quotidiennement avec mes filles sans problème. Je ne me reconnais pas dans la volonté de vouloir trouver un terme « plus dur », plus direct, plus violent, « moins doux », plus proche de ce que j’ai vécu car non, rien, aucun mot de pourrait s’approcher de ce que j’ai vécu. Même le mot « douleur » ne me convient pas. Je préfère la lumière, la douceur et la simplicité d’un mot que j’adopte et que je n’ai pas inventé…

Alors oui, je conçois que tout le monde ne se retrouve pas forcément dans ce terme, mais je crois surtout que plus vite il y a aura un terme pour nous définir et plus vite le tabou du deuil aura des chances de tomber rapidement. La seconde pétition se dresse comme le dit elle-même Julie comme « un gros caillou semé sur le chemin », mais je crains que ce caillou, aussi sincèrement emprunt de désaccord soit-il, ne vienne freiner et entraver les rouages d’une machine qu’il a déjà visiblement été très difficile de mettre en marche. Julie, tu le dis toi-même, tu ne « veux pas de ce mot dans ce dictionnaire » en parlant du terme mamange à 3’02 ici, ce qui serait tout aussi « injuste » pour moi qui me retrouve dans ce terme. Il s’agit certainement d’un lapsus puisque tu dis par la suite que tu n’es pas contre les synonymes… mais il faut garder à l’esprit que ce type de démarche peut remettre la solution à ce débat à des années pour un résultat peu convaincant.

Je suis consciente du fait qu’il s’agisse d’un sujet sensible qui touche le cœur et qui peut rapidement faire monter en pression. Je pense que tout le monde est légitime à s’exprimer sur le sujet, sans violence verbale, sans menaces ni insultes comme j’ai malheureusement pu le voir au fil de mes lectures. Je voulais simplement laisser une trace ici de ma réflexion sur ce sujet qui me tient à cœur, aussi parce qu’il devient difficile pour moi de passer par-dessus les publications de mes insta-copines en ne parvenant pas réellement à liker ou commenter sincèrement, car bridée par les limites de caractères… Voilà qui est fait, pour mon avis sur la question, il est ici.

Merci de m’avoir lue. N’hésitez pas à me donner votre avis sur la question en commentaires, avec respect et bienveillance toujours. N’hésitez pas à passer signer la ou les pétition(s) qui vous parlent, à donner vos idées de synonymes si vous en avez. Pour ma part, j’ai passé les trois derniers jours à me creuser la tête pour en trouver et je n’ai rien ressorti de convaincant. Quoi qu’il en soit, je pense personnellement qu’il y a urgence à faire graver au moins ces trois mots, qui sont déjà employés, dans les dictionnaires et pour le grand public, hors des réseaux sociaux, dans le langage commun, pour briser ce tabou, habituer les esprits à s’exprimer sur ces sujets, pour aider les familles qui vivent ces drames et ceux qui les vivront malheureusement.

EM, maman et mamange de jumeaux depuis le printemps 2017, et nouvellement maman d’un bébé arc-en-ciel depuis l’été 2020.

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14 réponses à Mamange, papange, parange… pour qui sont ces mots ?

  1. Quoi de plus rassembleur que le mot ange !
    Dans toutes, les religions, il y a cette image de l’ange, de la personne qui veille sur les autres depuis les cieux, même si le mot n’est pas forcément là ! Les représentations de personnes ailées sont courantes depuis l’antiquité : cupidon, hermès, éros,……
    Je ne comprend pas pourquoi certains s’opposent aux termes déjà employés par beaucoup de monde.

    Bon il y en a toujours pour se démarquer !

    Mais pour moi, ces termes représentent bien tout ce que l’on a vécu, nos pleurs, nos peines, notre reconstruction.

    • EM dit :

      Merci pour ton retour. Pour moi aussi ce terme convient. Je peux comprendre qu’il ne plaise pas à tout le monde mais il se démarque pourtant tout de même quoi qu’on en dise. Je ne suis pas contre les synonymes mais je pense qu’ils doivent venir de nous dans ce cas et non pas d’un petit groupe de chercheurs qui auraient imaginés d’eux-même un nouveau mot magique. Puis comment organiser une consultation suite à cela ? Ce n’est pas si évident. Je trouve que c’est un jeu dangereux…

  2. Un débat sur l’absence de terme désignant les parents ayant perdu un enfant a été présent au lendemain de la Première Guerre mondiale, beaucoup de parents ayant perdu un fils au combat. On peut être orphelin(e), veuf/veuve mais il n’y a pas de mot pour les parents endeuillés, pour reconnaître ce deuil spécifique qu’ils endurent.
    J’espère que votre lutte sera entendue.

    • EM dit :

      C’est exactement ça. Et je ne suis absolument pas gênée que ce terme puisse être employé pour la perte d’un enfant plus âgé qu’un nourrisson oui. Je le répète, je ne suis pas contre les synonymes ! Mais je pense qu’ils ne doivent pas être forcés…
      Je suis aussi très respectueuse de ces parents qui luttent pour ne pas divulguer cette part de leur intimité. J’ai lu des commentaires dans ce sens : « Notre perte est trop grande, elle est indicible, et cela devrait rester ainsi.  » D’après eux aucun mot ne devrait exister pour exprimer le deuil de leur enfant car ce n’est pas dans l’ordre des choses. Je cite :  » Je comprends que certains ont besoin d’un mot pour donner du sens mais je défends aussi le fait que c’est innommable le décès d’un enfant avant ses parents, le qualifier le fera rentrer dans une norme et je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas quelque chose de normal de perdre son enfant. » Comme quoi il y a des avis vraiment très divergents. Pour ma part, je ne souhaite pas un mot pour « donner du sens », mais bien pour briser ce tabou en permettant aux personnes (touchées ou non) d’avoir des mots pour en parler, tout simplement… Mais personne ne devrait être forcé d’employer ces mots.
      C’est un débat sans fin, vraiment très sensible. Merci beaucoup d’avoir laissé un petit mot ici.

  3. C’est un sujet délicat. je ne me sens pas vraiment de légitimité à parler du sujet, n’ayant pas vécu ce drame. Je compris à la fois ton ressenti, et celui de Julie. Sans doute faudrait-il que le terme de parange, et un autre terme plus adapté aux parents d’enfants plus grands décédés, ou plus en accord avec la sensibilité de certains, rentrent dans le dictionnaire ? Que chacun puisse trouver un terme avec lequel il se sent bien ? Dans tous les cas, ce terme manque vraiment à notre langue.

    • EM dit :

      Déjà je pense que tu es parfaitement légitime à en parler. Je ne suis pas du tout bloqué sur l’idée qu’il faut avoir vécu la chose pour pouvoir donner son avis sur la question, d’autant que malheureusement nous sommes mères d’enfants qui vivront à leur tour des choses, je l’espère plus joyeuses que cela, mais il y a des générations et des générations qui hériterons de nos choix. Nous sommes tous impliqués.

      Il y a quelque chose de scientifique, aussi de philosophique dans ce sujet. Certains se demandent même s’il faut un nom pour nous qualifier. Pour ceux là, cette absence de terme est plus forte que tout. (cf mon commentaire précédent).
      Bien sur que je comprend le point de vu des filles, je n’ai pas un coeur de pierre, je comprends très bien que tout le monde ne s’y retrouve pas, mais est-ce même possible ? Le risque est de mettre de côté un mot qui s’est forgé seul à force d’usage et qui fait bien l’affaire, qui n’est ni honteux, ni insultant, ni stigmatisant. Ce que produit l’usage n’a t-il pas plus de force qu’une quelconque « consultation » autour d’un nouveau mot tombé du ciel ? Tout le sujet est là. A qui seront relégués les termes « mamange » , » paranges »… Doivent-ils seulement être réservés aux utilisateurs de Facebook, Instagram et Twitter ? Pourquoi ? Seulement parce que ces mots ne sont pas assez dur en regard de la situation vécue ? Seulement parce qu’ils contiennent le mot « ange » ? et le « maman » qui est en toute lettre dans le « mamange » dans tout ça ? La poésie et toute la douceur de sa présence complète, quasi inespéré, on en fait quoi ?
      Comment dire, je n’en peux plus du deuil toujours tout noir, de la colère, du gris, des conflits, des galères… là, tout me semble tellement limpide. La proposition de Mathilde Panot n’est rien de plus que symbolique, elle n’exclue pas que la langue puisse se modifier dans le temps. Il n’est pas question d’un bouleversement soudain de notre identité ou de nos expériences individuelles. Elle dit seulement, en gros, « regardez, ces gens n’ont pas de mot officiel. Ils utilisent celui là, validons-le officiellement. » Rien de plus, rien de moins.

      C’est un sujet très délicat comme tu le dis bien. Oui, je suis pour qu’il y ai plusieurs mots pour nous qualifier, je suis aussi pour qu’on ne force personne à les employer. Pour que les mamanges puissent continuer de dire qu’elles sont seulement maman, ou maman en deuil, ou quoi que ce soit d’autre… Je veux juste que la machine avance et que nous ayons au moins un mot inscrit quelque part, pas dans 10 ans, ou dans 20ans à cause d’un désaccord de sensibilités autour d’un mot qui est déjà employé chaque jour naturellement de tous et alors que le sujet est enfin sur la table.

      Je pense que s’il doit y avoir des synonymes, c’est à nous de les mettre en lumière et que c’est à nous de commencer à les utiliser. Je ne suis pas contre l’idée qu’il y en ai. Mais même si je n’étais pas 100% en accord avec le terme « parange », je serait tout de même impatiente qu’il existe pour que les personnes puissent en parler pour briser cette chape de béton qui empêche les gens de s’exprimer faute de mot disponible… Voilà tout. Je veux que les choses avances, c’est tout.
      Merci beaucoup pour ton commentaire. 🙂

  4. Paty dit :

    Coucou, EM,
    Je resterai aussi en retrait sur cette question précise … mais je trouve ton analyse très juste.
    C’est tout le paradoxe de notre société, et sur bien d’autres sujets, que de vouloir une « acceptation générale ». On recrée les clans, avec les rivalités que cela induit, au détriment d’une approche consensuelle et apaisante…
    On balaie avec une violence inouïe les traditions des pays, des croyances, de l’Histoire, des images, des mots, etc, sous prétextes fallacieux d’égalité…
    Et l’équité dans tout cela ? Ne serait-ce pas ce qui permettrait d’avancer dans un monde plus juste ?
    Je n’ai pas envie d’un monde d’aphrodites qui pensent tous pareils … mais c’est vrai que c’est plus simple à gérer.
    Ok, j’ai un peu dévié du sujet initial, mais pour moi ta réflexion s’inscrit dans un contexte sociétal bien plus vaste, comme d’hab (emoticone petit ange) 😉

    • Paty dit :

      Mdr !!!!!! Quand tu as peu de culture et que tu l’étales comme la confiture … ou presque ! Lapsus révélateur, je voulais dire « un monde d’Androgynes », mais réflexion faite, Aphrodite à son mot à dire dans cette histoire 😉

  5. Coucou EM,
    Chaque femme a son ressenti, son histoire, ses doutes
    Ce passage doit donner lieu à une réflexion, un consensus
    Il faut un ou plusieurs termes pour définir cette douleur vécue
    Mettre un ou des mots sur des maux, pas pour les effacer mais pour les intégrer
    Le parcours de chacune détermine sa réflexion et son ressenti
    Je ne suis pas mamange mais j’ai eu un parcours difficile de future maman
    Maintenant avec le recul de la vie qui passe, je crois en la parole et non pas étouffer sa peine
    Tu sais que je prends toujours plaisir à te lire sur des réflexions dans notre société

  6. Dinde de Toi dit :

    Article très intéressant sur un thème dont j’ignore tout mais j’ai bien peur que mon avis ne soit pas légitime du tout. S’il existe déjà des termes utilisés massivement par les parents endeuillés alors pourquoi vouloir chercher midi à 14 heures pour en trouver d’autres 🤔 ? Et puis je trouve un peu facile de critiquer (le terme serait trop doux, ou trop connoté religieusement) sans rien proposer derrière. C’est un débat qui me parait peu constructif, il vaudrait mieux vous unir pour faire reconnaitre votre cause que de perdre votre temps sur des termes manifestement déjà approuvés par la communauté. Je comprends bien que certains peuvent ne pas aimer ces termes, et j’ai été surprise au début qu’une réalité si triste soit représentée par des termes si mignons, mais tu expliques très bien dans ton article pourquoi c’est important pour toi.

  7. Marie dit :

    Bonjour,

    Le jour où j’ai lu le mot mamange c’était comme… Je ne sais pas trop, comme si j’étais reconnue dans ma souffrance, mon deuil. Comme si le cataclysme était réel… Et je me suis sentie moins seule même si j’aurais préféré l’être.
    Je trouve ce mot, comme vous, très doux et pour ma part j’aime la douceur de ce mot en comparaison de la violence qu’il induit.

  8. Coralina (air-et-ailes) dit :

    Enfin je lis ton article, je parcours très peu de blogs désormais, le tien en fait partie mais je dois être dans de bonnes conditions de concentration car je sais tes articles très intéressants et poussés. La première pétition, je l’avais signée très rapidement. Le mot « mamange » m’est venu dès que j’ai hélas rejoint cette communauté, il nous fallait bien un nom, tout de même. Mais, tu vois, étant très athée (très très), le terme d’ange me titillait dès le départ. Je l’avais accueilli faute de mieux. Au fil des mois, dans mes écrits, je me suis désignée comme « maman endeuillée », plutôt que comme mamange, même si je mets toujours ce mot-clé pour que les autres mamans en souffrance puissent me lire. J’ai donc, aussi, signé la seconde pétition. Parce que je ne trouve pas mon fils dans le terme d’ange, d’ailleurs c’est un surnom que je n’ai jamais donné à quiconque, je suis folle, hein? Il fait intrinsèquement partie de ma vie, je le sais près et attentif, mais je préfère l’appeler « mon petit veilleur », là je m’y retrouve.
    Cependant, je n’ai jamais alimenté le débat qui est très futile, je trouve. On peut tout à fait adopter le mot « parange » et d’autres, pourquoi créer une opposition là où il n’y a pas lieu d’en avoir? Faute de mieux, j’ai adopté ce mot mais reste ouverte à d’autres propositions. Ta réflexion est parfaitement juste, comme toujours.

  9. Bonsoir, je passe d’Instagram ou je vous ai découvert à votre blog.
    Quel réconfort de vous lire ! Je suis Nadia Bergougnoux et effectivement, je me bats depuis des années pour qu’un mot nous qualifie, nous qui avons perdu un enfant, à quelque âge que ce soit. Notre pétition démontre que ce mot « Parange » pourrait être une réponse à l’attente des parents endeuillés.
    Je suis en contact depuis le début avec l’Académie française et, grâce à la mise en lumière de Mathilde Panot qui m’a contactée suite à la découverte de notre pétition et à la demande d’une mamange ayant perdu son fils de 39 ans, notre combat a fait un bond ces derniers temps.
    J’ai été très affectée de la réaction d’une personne, dont vous parlez et qui, en quelques jours, voulait, avec gentillesse… que nous reprenions tout dès le début…
    Je comprends que ce mot ne puisse pas convenir à tous, nous n’avons jamais caché notre combat. Ce mot nous est doux à l’oreille et surtout au cœur. On nous a proposé « désenfanté » (j’ai 3 filles, je ne suis pas désenfantée ! « Orphed’enfant » (mais oui ! je peux même vous dire que ‘idée vient du Petit Robert…), « despuéré » (là, ce sont les « grands linguistes…)
    Quand je lis les commentaires de la pétition, je sais que je ne me bats pas pour rien.
    J’ai lu aussi des commentaires lors des articles de presse , suite à notre conférence de presse avec Mathilde. J’ai beau avoir le cœur bien accroché, j’en ai souvent pleuré et me suis même posé la question « Est-ce que ça vaut le coup de continuer ? »
    J’ai deux groupes de soutien sur Facebook, des paranges arrivent tous les jours, cassés, détruits. Alors, pour elles, pour eux, je vais continuer.
    Et je vous avoue que ce soir, cela m’a fait énormément de bien de vous lire !
    Encore merci !
    Nadia

  10. nadiaparange dit :

    Merci ! mille fois merci EM ! j’avais tant besoin de mots d’espoir ! Ce combat, que nous menons depuis des années, j’espère que l’année 2021 en verra l’aboutissement ! Envers et contre …certains…
    Le mot parange, je le comprends, peut ne pas convenir à tout le monde. Nous n’avons jamais caché nos démarches, au contraire, (une pétition qui atteins aujourd’hui 61 700 signatures ne devrait pas échapper aux personnes… concernées) et il est dur de voir arriver, quand nous avons dépassé tant d’obstacles, des gens qui nous « cassent » dans le calme et la zénitude…
    Alors, oui, ce mot nous parle, il est entré dans notre vocabulaire, il nous unit, nous qualifie. D’autres pourront émerger, pour moi, le combat continuera…
    Il est triste de devoir utiliser des mots comme « combat » pour un terme si doux et si terrible à la fois…
    Alors merci, cela fait du bien de se sentir soutenue.
    Bien à vous
    Nadia Bergougnoux
    #parange

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